Empreinte carbone d’un mail : une pollution invisible mais bien réelle

Empreinte carbone d'un mail : une pollution invisible mais bien réelle

Un e-mail, ça pollue vraiment ?

Envoyer un mail semble anodin. On tape quelques mots, on clique sur « envoyer » et c’est parti. Pourtant, cette action toute simple a un coût pour notre planète. Invisible à l’œil nu, l’envoi d’un mail s’accompagne d’émissions de carbone bien réelles. Et à l’échelle mondiale, l’ampleur de cette pollution surprend.

Alors, combien pèse un mail sur l’environnement ? À travers cet article, nous allons déconstruire cette pollution numérique souvent sous-estimée. Car même sans voyage en avion ou moteur thermique, notre vie numérique génère bel et bien des gaz à effet de serre.

Comprendre l’empreinte carbone du numérique

On parle souvent des voitures, des avions, ou de l’industrie textile comme pollueurs principaux. Mais le numérique, lui aussi, a une empreinte environnementale considérable. Selon l’ADEME, le numérique représenterait environ 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre — soit davantage que l’aviation civile. Et ce chiffre pourrait doubler d’ici 2025 si rien ne change.

L’envoi d’un mail, une action monnaie courante, fait partie de ce tableau. Pourquoi ? Parce qu’il mobilise une chaîne énergétique complexe :

  • L’ordinateur ou smartphone utilisé
  • Le réseau Internet (box, routeurs, antennes relais)
  • Les data centers qui stockent et acheminent les données
  • Les serveurs de messagerie émetteur et récepteur

Chacun de ces maillons consomme de l’électricité. Et cette électricité n’est pas toujours verte.

Combien de CO₂ pour un mail ?

Les chiffres varient en fonction du poids du message, de ses pièces jointes, et du nombre de destinataires. Toujours selon l’ADEME, un simple mail sans pièce jointe équivaut à environ 4 g de CO₂. Pour un mail avec une pièce jointe, on atteint facilement les 19 g. Et si le mail est envoyé à plusieurs personnes, les émissions explosent rapidement.

4 g de CO₂, ce n’est pas énorme, mais mit bout à bout, l’impact devient significatif :

  • 1 employé de bureau envoie en moyenne 33 mails par jour
  • Ce qui représente plus de 120 kg de CO₂ par an
  • L’équivalent de 1 000 km en voiture pour une seule personne

À l’échelle mondiale, on estime que 281 milliards de mails sont envoyés chaque jour. Séparer les nécessaires des superflus devient donc un véritable enjeu écologique.

Spam, newsletters et alertes : la pollution des messages inutiles

Et si le problème venait aussi de notre boîte mail elle-même ? Newsletters non lues, spams jamais ouverts, notifications automatiques… Ces courriels inutiles alourdissent notre empreinte numérique. Non seulement leur envoi consomme de l’énergie, mais leur stockage aussi.

D’après Cleanfox, chaque newsletter non lue stockée pendant un an produit environ 10 g de CO₂. Or, un internaute français reçoit en moyenne 9 000 mails non sollicités par an. Faites le calcul.

Une étude menée par l’université britannique d’Oxford a même montré qu’un simple mail de remerciement “Merci !” généré systématiquement pouvait produire 16 433 tonnes de CO₂ par an au Royaume-Uni, soit l’équivalent de 81 000 vols Londres-Madrid.

Stockage et data centers : ce qui chauffe vraiment

Si vous pensez qu’un mail disparaît une fois envoyé, détrompez-vous. Il reste stocké sur des serveurs parfois pendant des années. Et ces centres de données, situés un peu partout dans le monde, sont de véritables gouffres énergétiques.

Un data center peut consommer autant d’électricité qu’une ville entière moyenne. En 2021, Google et Amazon comptaient parmi les plus gros énergivores pour le fonctionnement de leurs fermes de serveurs. Par souci d’image, ces entreprises investissent dans les énergies renouvelables, mais les besoins continuent d’augmenter.

Le refroidissement de ces infrastructures représente à lui seul près de 40 % de leur consommation. Plus il fait chaud, plus l’énergie nécessaire pour garantir la performance augmente. Un cercle vicieux à l’heure du réchauffement climatique.

Les bons gestes pour alléger son empreinte

Réduire l’empreinte carbone de nos mails est possible, et cela commence par une prise de conscience. Voici quelques gestes simples à adopter :

  • Limiter les envois multiples : inutile de mettre toute l’équipe en copie si seule une personne est concernée
  • Alléger les pièces jointes : préférer les liens vers des documents en ligne plutôt que d’envoyer un fichier de plusieurs Mo
  • Vider régulièrement sa boîte mail (et sa corbeille)
  • Se désabonner des newsletters non lues avec des outils comme Cleanfox ou Unroll.me
  • Privilégier la messagerie interne dans les entreprises ou coopérer via des outils collaboratifs moins énergivores que l’e-mail

Adopter ces réflexes, c’est comme composter ses déchets ou prendre le vélo plutôt que la voiture. Cela ne sauvera pas la planète à soi seul, mais chaque geste compte, surtout multiplié par des millions d’usagers.

Et les mails professionnels dans tout ça ?

En entreprise, la culture du mail est encore très ancrée. Le réflexe de répondre, mettre en copie, transférer en cascade est courant. Pourtant, des alternatives existent. Certaines sociétés ont même franchi un cap.

Chez Atos, un des leaders européens du numérique, le programme “Zéro e-mail interne” a été lancé il y a plusieurs années. Objectif : favoriser les plateformes collaboratives de type Slack ou Microsoft Teams. Résultats : gain de productivité, désengorgement des boîtes mail… et réduction de l’empreinte carbone.

Autre exemple : la ville de Grenoble a entamé un plan de sobriété numérique incluant la réduction des e-mails internes, incitant ainsi au changement culturel dans les administrations locales.

Est-ce la fin de l’e-mail en entreprise ? Peut-être pas. Mais gommer les excès et se poser la question « cet email est-il vraiment nécessaire ? » devient un réflexe incontournable dans un monde en quête de sobriété écologique.

Vers une prise de conscience collective

À l’ère du numérique roi, difficile de se passer totalement d’e-mails. Pourtant, prendre conscience de leur coût environnemental est un premier pas vers un usage plus raisonné. Comme pour l’alimentation, le transport ou l’énergie, il s’agit d’apprendre à consommer mieux, moins et de manière plus lucide.

Les grandes plateformes ont également leur part à jouer. Encourager la transparence sur l’impact environnemental, mieux optimiser les systèmes de stockage, investir dans des data centers basse consommation : c’est un enjeu stratégique pour réduire le poids carbone du numérique.

La pollution numérique n’est pas virtuelle. Elle est là, discrète mais tenace, dans chaque fichier joint, dans chaque message conservé indéfiniment dans nos archives.

Alors, la prochaine fois que vous vous apprêtez à envoyer un mail pour dire simplement “OK” ou “Merci”… demandez-vous si cela vaut vraiment 4 petits grammes de CO₂.