Un secteur en plein essor… et en pleine contradiction
L’industrie aérienne a longtemps été synonyme de progrès, de liberté et de mondialisation. Voyager à l’autre bout du monde en quelques heures fascine, tant cela semblait impossible il y a encore un siècle. Mais aujourd’hui, sous l’effet combiné de la crise climatique et de la pression citoyenne, l’aviation se retrouve pointée du doigt. Et pour cause : les émissions de dioxyde de carbone (CO₂) par kilomètre parcouru sont loin d’être anodines.
Mais concrètement, combien pollue un vol Paris-New York ? Quelle est la part réelle de l’avion dans les émissions mondiales ? Et surtout, quelles alternatives ou solutions existent pour réduire son empreinte carbone ? Pas de promesses creuses ici, seulement des chiffres, des faits, et des perspectives vérifiées.
Les chiffres clés : combien de CO₂ par kilomètre ?
En moyenne, un vol commercial émet environ 255 grammes de CO₂ par passager et par kilomètre, selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). Pour mettre ce chiffre en perspective :
- Train électrique : 14 g CO₂/passager/km
- Voiture thermique : entre 120 et 200 g CO₂/passager/km (selon le taux d’occupation)
- Bus : 68 g CO₂/passager/km
- Depuis 1990, les émissions du secteur ont augmenté de +130 %
- Prévisions pour 2050 : une multiplication par 3 ou 4 si rien n’est fait
- 1 % de la population mondiale est responsable de 50 % des émissions du secteur
- 90 % des humains n’ont jamais pris l’avion
- Doutes sur la vérifiabilité des projets
- Plantations de mauvaise qualité (espèces non locales, faible taux de survie)
- Risque de « permis de polluer » moralement acceptable
- Biocarburants d’aviation (SAF) : leur production représente aujourd’hui moins de 0,05 % de la consommation globale de kérosène. Et leur développement pose problème en matière d’usage des sols.
- Avions électriques : technologiquement envisageables uniquement pour des petits appareils, sur de courtes distances (moins de 500 km)
- Hydrogène : Airbus annonce un premier avion commercial à hydrogène d’ici 2035, mais beaucoup d’experts jugent ce délai irréaliste.
- Privilégier le train : notamment en France et en Europe, où le réseau ferroviaire offre une vraie alternative aux vols courts et moyens
- Réduire la fréquence des vols : réserver l’avion pour des occasions rares, non substituables
- Choisir des compagnies optimisant le taux de remplissage : un vol plein est moins inefficace qu’un vol à moitié vide
- Soutenir des politiques publiques ambitieuses : interdiction des vols courts doublons, taxation du kérosène, investissements dans les trains de nuit
- Redonner du sens au voyage : faire moins, mais mieux. Et peut-être redécouvrir le plaisir d’un voyage lent
Le transport aérien apparaît donc comme l’un des modes les plus polluants quand on le rapporte au kilomètre/passager. Un aller-retour Paris-New York représente environ 2 tonnes de CO₂ par personne — soit la totalité du budget carbone annuel recommandé par l’ADEME pour un individu respectant les objectifs climatiques de +1,5°C.
Et si vous associez encore « vol low cost » à « faible impact environnemental », détrompez-vous. Moins chers ne veut pas dire verts. Ces compagnies exploitent des avions densifiés, certes, mais multiplient surtout les vols pour maximiser la rentabilité… au détriment de la planète.
Un poids global significatif
Le transport aérien représente environ 2,5 % des émissions mondiales de CO₂, selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Un chiffre qui peut sembler modeste, mais qui cache une croissance exponentielle :
Et encore — ces données ne tiennent compte que du CO₂. Le transport aérien génère aussi d’autres effets radiatifs (condensation des traînées blanches, oxydes d’azote, vapeur d’eau en haute altitude) qui doublent ou triplent son impact climatique réel. Autrement dit, la contribution effective de l’aviation au réchauffement pourrait avoisiner les 5 à 7 %.
Des disparités flagrantes dans l’usage
On ne voyage pas tous en avion. En réalité, seule une minorité mondiale prend l’avion régulièrement. Un rapport de l’ONG Possible estimait ainsi que :
En France, selon le ministère de la Transition écologique, seuls 10 % des Français prennent l’avion plus d’une fois par an. Pourtant, le coût environnemental est supporté collectivement.
Alors, faut-il interdire les vols ? La question polarise. Mais une chose est sûre : la réduction des vols les plus évitables (vols courts, trajets doublons avec le rail) est une piste sérieuse. Le vol Paris-Lyon — 1h10 en avion contre 2h00 en TGV — a-t-il vraiment sa place dans un monde post-crise climatique ?
Que vaut la compensation carbone ?
De nombreuses compagnies proposent aujourd’hui des plans de « compensation carbone », souvent intégrées dans la réservation du billet. Il s’agirait de « planter un arbre » (ou autre mesure) pour contrebalancer l’impact du vol. Sur le papier, l’idée est séduisante. Dans la réalité, elle est bien souvent trompeuse.
Les programmes de compensation font l’objet de vives critiques :
Pour Gaëtan Dubois, chercheur à l’Institut pour une politique environnementale européenne : « La meilleure compensation reste encore de ne pas émettre. Les promesses de neutralité carbone des compagnies aériennes sont largement basées sur de la comptabilité créative. »
Le message est clair : se donner bonne conscience via 2 € de compensation sur un aller-retour n’empêche pas les gaz à effet de serre d’atteindre l’atmosphère et d’y rester entre 100 à 1 000 ans.
Des efforts industriels en vue… mais insuffisants
Les industriels de l’aéronautique — Airbus en tête — promettent une aviation plus verte. Électrification, biocarburants, hydrogène… Les annonces se multiplient. Mais qu’en est-il concrètement ?
La transition est donc techniquement lente, financièrement coûteuse, et encore loin de compenser la croissance du trafic aérien. À ce jour, aucune technologie « zéro émission » n’est prête pour les long-courriers.
Des alternatives plus durables existent
Face à ce constat préoccupant, que peut faire un voyageur responsable ? Voici quelques pistes concrètes :
Dans une interview accordée à Planet Mag, Martine Gauthier, écologue et spécialiste des mobilités, résume la question en une formule percutante : « Si l’on veut continuer à voler dans 30 ans, il faut commencer par beaucoup moins voler dès aujourd’hui. »
Vers une réflexion collective sur la sobriété
Au fond, la question du transport aérien dépasse largement les considérations techniques. Elle interroge notre rapport au déplacement, à la distance, et à la vitesse. L’avion nous a appris à aller vite, mais le climat nous rattrape.
Alors que les entreprises repensent leurs politiques de déplacements, que les jeunes générations redécouvrent les trains de nuit, et que certains optent pour le « voyage local », une transformation culturelle pourrait déjà être en marche.
Voler ne doit pas devenir un tabou. Mais il ne peut plus être un réflexe. Car si les ailes de l’avion nous élèvent,