Pourquoi parler d’actions environnementales en 2024 ?
Crises climatiques à répétition, effondrement de la biodiversité, raréfaction des ressources : les alertes s’accumulent. Face à ce constat inquiétant, la question n’est plus de savoir s’il faut agir, mais comment. Et surtout, qui doit agir : les gouvernements ? Les entreprises ? Les citoyens ? La réponse la plus réaliste : tout le monde. Et tout commence souvent à petite échelle.
Mais attention aux illusions. Recycler ses bouteilles en plastique ne suffira pas à sauver la planète, même si chaque geste compte. Ce qu’il faut désormais viser, c’est un changement systémique, soutenu par des initiatives individuelles et collectives cohérentes, coordonnées et scientifiquement éclairées. Décryptage.
Les gestes individuels : utiles, mais pas suffisants
Éteindre la lumière, prendre le vélo plutôt que la voiture, manger moins de viande… Ces habitudes, encouragées depuis des années, ont un impact. Le problème ? Leur portée reste limitée si elles ne s’inscrivent pas dans une logique collective.
Selon l’Ademe (Agence de la transition écologique), une personne en France peut réduire son empreinte carbone annuelle d’environ 2 tonnes en modifiant ses comportements individuels : alimentation, mobilité, consommation énergétique. Or, l’objectif fixé par le GIEC pour respecter l’accord de Paris est une division par cinq de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Clairement, on a besoin d’accélérer.
Et pourtant, ces petits gestes restent essentiels. Pourquoi ? Parce qu’ils constituent la base de l’engagement citoyen. Beaucoup de collectifs écolo militants sont nés d’une prise de conscience personnelle. L’individuel sert de point d’entrée vers le collectif — pas une fin en soi.
Les actions collectives locales : des laboratoires d’expérimentation
À l’échelle locale, de nombreuses initiatives fleurissent, souvent portées par des associations, des municipalités ou des entreprises sociales. Elles expérimentent des solutions concrètes aux défis environnementaux. En voici quelques exemples marquants :
- Les coopératives énergétiques citoyennes : Partout en France, des collectifs installent des panneaux solaires sur les toits de bâtiments publics ou privés. C’est le cas d’Énercoop, l’un des pionniers du secteur, qui fédère des projets de production d’énergie renouvelable impliquant les habitants.
- Les Repair Cafés : Ces espaces collaboratifs permettent à des citoyens d’apprendre à réparer leurs objets plutôt que de les jeter. En 2023, on comptait 350 Repair Cafés actifs en France, selon le réseau international Repair Café Foundation.
- L’agriculture urbaine : Des potagers partagés poussent sur les toits d’immeubles, dans les friches et même sur des parkings. Objectifs : renforcer la résilience alimentaire locale, retisser du lien social et reverdir les villes.
Ces projets ont un double avantage : ils permettent d’expérimenter des modèles alternatifs viables et renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté engagée.
Les entreprises : entre greenwashing et engagements concrets
Défi majeur du XXIe siècle : intégrer pleinement l’environnement dans la stratégie économique des entreprises. Nombreuses sont celles qui communiquent sur leur « transition verte ». Mais derrière les slogans marketing, la réalité est souvent plus nuancée.
D’après un rapport de l’ONG Carbon Market Watch, publié en 2023, 93 % des grandes entreprises européennes surestiment l’impact réel de leurs actions pour le climat. En cause : des objectifs flous, des bilans carbone incomplets, et un recours abusif à la compensation.
Cependant, certaines entreprises vont plus loin que la moyenne. Patagonia, par exemple, reverse 1 % de son chiffre d’affaires à des organisations environnementales et milite pour une décroissance raisonnée dans son secteur. En France, des PME comme 1083 (jeans éco-conçus et fabriqués localement) ou Back Market (reconditionnement d’équipements électroniques) montrent que produire autrement est possible.
Mais là encore, l’échelle collective est indispensable. Isolement des entreprises pionnières, obstacles législatifs, pression concurrentielle… Le changement ne pourra se généraliser que s’il est soutenu par des politiques publiques ambitieuses et cohérentes.
Les politiques publiques : leviers puissants sous-utilisés
On l’oublie trop souvent, mais les lois, normes et subventions représentent des leviers d’action environnementale d’une ampleur considérable. Instaurer une taxe carbone efficace, réguler la publicité sur les SUV, interdire certains pesticides : voilà des mesures à fort potentiel d’impact.
Or, comme le rappelait récemment Valérie Masson-Delmotte, climatologue et ancienne coprésidente du GIEC, « Seules les politiques publiques peuvent véritablement influer à grande échelle sur nos modes de production et de consommation. »
Les dernières initiatives telles que la loi Climat et Résilience (2021) vont dans le bon sens, mais manquent encore d’ambition selon la plupart des ONG. Les bénéfices environnementaux sont également minés par des contradictions flagrantes dans d’autres secteurs : maintien des subventions aux énergies fossiles, développement de nouvelles infrastructures routières, etc.
Reste à espérer que la pression citoyenne et les exigences scientifiques finiront par imposer une cohérence politique. C’est d’ailleurs ce que revendiquent de nombreux collectifs comme Alternatiba, ANV-COP21 ou Youth for Climate.
Des citoyens qui s’organisent et qui interpellent
Depuis quelques années, des formes nouvelles de mobilisation émergent. Moins centrées sur les pétitions ou les marches (même si celles-ci restent utiles), elles prennent désormais des aspects plus offensifs et structurés.
Le recours à la justice en est un exemple. L’Affaire du Siècle, lancée en 2018 par quatre ONG (Notre Affaire à Tous, Greenpeace, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam), a obligé l’État français à reconnaître sa carence en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Une victoire symbolique… et juridique.
Autre exemple, les Assemblées citoyennes pour le climat, mises en place dans plusieurs régions ou au niveau national. Quand elles sont bien relayées par les décideurs, elles peuvent faire émerger des propositions innovantes, légitimes et concrètes. Ce fut notamment le cas avec la Convention Citoyenne pour le Climat, en 2020, dont certaines propositions ont été intégrées dans la loi.
La mobilisation citoyenne devient donc un contre-pouvoir. Elle agit comme un catalyseur, parfois comme un aiguillon, au service de l’intérêt général.
Changer de culture, pas seulement de gestes
Agir pour l’environnement, ce n’est pas seulement trier ses déchets ou adopter une voiture électrique. C’est repenser en profondeur notre rapport au temps, à la consommation, au vivant. C’est accepter que certaines choses — les vols low-cost à répétition, l’obsolescence programmée, l’hyperconsommation — ne soient plus compatibles avec une planète vivable.
La sociologue Dominique Méda résume ainsi l’enjeu : « Il faut substituer au paradigme de la croissance matérielle, une vision orientée vers le bien-être, les liens sociaux, et la durabilité. » Cela passe par l’éducation, les récits culturels, les médias… et, soyons honnêtes, par une bonne dose de courage collectif.
Et maintenant, que faire ?
La bonne nouvelle : il n’est pas trop tard. Le dernier rapport du GIEC l’affirme clairement : les solutions sont connues, leur efficacité est démontrée, et leur mise en œuvre est techniquement faisable. Reste à franchir le pas.
Alors, par où commencer en tant que citoyen ou citoyenne consciente ? Voici quelques pistes concrètes :
- Rejoindre un collectif local : associations environnementales, AMAP, groupes militants ou ateliers citoyens sont autant de lieux où l’action prend du sens.
- Mettre la pression sur ses élus : participer aux consultations publiques, interpeller les députés, exiger des bilans climatiques concrets.
- Changer son épargne : orienter son argent vers des banques éthiques ou des fonds d’investissement responsables.
- Utiliser son pouvoir de consommateur : choisir des produits durables, boycotter les marques polluantes, faire connaître les alternatives par le bouche-à-oreille.
Ce n’est pas l’engagement d’une poignée qui fera la différence, mais l’accumulation de millions de gestes, combinés à une pression collective structurée. En 2024, le combat pour l’environnement ne se joue plus uniquement dans les laboratoires ou les salles de conférence, mais dans nos foyers, nos entreprises, nos mairies, nos réseaux.
Et si la crise climatique était aussi une opportunité ? Celle de nous réinventer, ensemble.