Bilan carbone panneau photovoltaïque : est-ce vraiment une solution verte ?

Bilan carbone panneau photovoltaïque : est-ce vraiment une solution verte ?

Un bilan carbone pour les panneaux solaires ? Oui, c’est indispensable

Les panneaux photovoltaïques sont souvent perçus comme le symbole de l’énergie propre. Installer quelques mètres carrés de silicium sur un toit, et nous voilà libérés des énergies fossiles. Mais est-ce vraiment aussi simple ? Pas tout à fait. Car même le soleil, lorsqu’il devient source d’énergie, n’échappe pas à l’incontournable question : et le bilan carbone, dans tout ça ?

Dans un monde en quête de neutralité carbone, il est essentiel d’évaluer l’impact climatique global des technologies dites « vertes ». Le panneau solaire ne fait pas exception. Son empreinte carbone ne se limite pas au moment où il produit de l’électricité. Elle commence bien avant, dans les mines et les usines, et se poursuit jusqu’à sa fin de vie.

Fabrication : l’essentiel des émissions se joue en amont

C’est probablement la partie la moins connue – et la plus émissive : la fabrication d’un panneau photovoltaïque est énergivore. Très énergivore. Pourquoi ? Parce que l’on parle ici d’un matériau central : le silicium. Purifier le quartz pour obtenir du silicium de qualité photovoltaïque nécessite de très hautes températures (jusqu’à 2 000°C), souvent obtenues par des procédés gourmands en électricité… produite au charbon, en Chine notamment, premier producteur mondial.

Selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), la fabrication représente en moyenne 75 à 85 % des émissions totales de gaz à effet de serre sur tout le cycle de vie d’un panneau solaire. D’après une étude publiée dans Nature Communications en 2020, ce chiffre peut grimper à 90 % pour certains modules fabriqués en Asie et installés dans des régions à faible ensoleillement.

Les principaux postes d’émissions incluent :

  • La production du silicium purifié (silicium métallurgique et silicium solaire)
  • La fabrication des cellules photovoltaïques en elles-mêmes
  • Le transport, souvent transcontinental, des modules finis
  • La production d’autres matériaux composites et électroniques nécessaires (verre, plastique, aluminium, cuivre,…)

Temps de retour énergétique : un indicateur clé

Reste une question cruciale : combien de temps faut-il à un panneau pour « rembourser » l’énergie et les émissions carbonées qui ont été nécessaires à sa fabrication ? On parle ici de « temps de retour énergétique », ou energy payback time.

Selon les données consolidées de l’IEA-PVPS (Photovoltaic Power Systems Programme), un panneau solaire installé en Europe rembourse son énergie grise (celle utilisée pour sa fabrication et son transport) en 1,5 à 3 ans, en moyenne. Ce chiffre dépend fortement :

  • du lieu d’installation (ensoleillement régional)
  • du type de panneau (monocristallin, polycristallin ou couches minces)
  • de l’efficacité du système complet

À titre d’exemple, sur le toit d’un bâtiment en Provence, un panneau solaire peut rentrer dans ses frais énergétiques en à peine 1 an. Dans le Nord de l’Allemagne, ce délai se prolonge jusqu’à 3,2 ans.

Or, avec une durée de vie estimée entre 25 et 30 ans, un module bien entretenu produit donc une énergie quasi-décarbonée pendant plus de 90 % de sa vie utile. C’est ce qui fait tout l’intérêt de cette technologie.

L’origine du mix énergétique : une variable décisive

Un panneau produit une électricité propre. Mais son impact carbone est aussi directement lié à l’électricité utilisée pour le fabriquer. Et là, mauvaise nouvelle : plus de 80 % des modules actuellement sur le marché sont fabriqués en Chine, où le mix énergétique reste très largement dominé par le charbon (près de 60 % en 2023 selon la China Electricity Council).

Cela signifie qu’un panneau « chinois » émet, en moyenne, 30 à 40 % de CO₂ en plus qu’un même panneau produit en Europe. C’est le paradoxe : une même technologie, des bilans carbone très différents selon le pays d’origine.

Certains fabricants européens s’organisent pour proposer des modules à faible empreinte carbone, notamment en France et en Allemagne. Un exemple notable est l’usine REC Solar à Kristiansand, en Norvège, qui utilise de l’électricité hydraulique locale pour ses procédés de fabrication. Le résultat ? Un facteur d’émission quasiment divisé par deux.

Recyclage : promesse écologique ou angle mort ?

Qu’advient-il des panneaux une fois arrivés en fin de vie ? Sont-ils recyclables ? En théorie, oui. Le verre (70 % du poids d’un panneau) et les métaux sont facilement récupérables. L’ADEME estime que jusqu’à 94 % des matériaux peuvent être valorisés, à condition que les installations de recyclage soient adaptées… et qu’elles existent.

En France, c’est l’éco-organisme PV Cycle qui est chargé de la gestion de cette filière. Problème : le volume de panneaux mis au rebut reste, pour le moment, relativement faible, car la majorité des installations datent d’après 2010. D’ici 2030, les premiers gisements significatifs arriveront en fin de vie… et la filière devra être prête.

Mais le recyclage actuel est souvent en deçà de son potentiel. Certaines substances (silicium contaminé, résidus de polymères) posent problème. De plus, l’aspect économique reste fragile : la récupération coûte cher, et n’est pas toujours compétitive face à des matières premières neuves. Des recherches sont en cours pour concevoir des panneaux plus facilement démontables et recyclables – un enjeu majeur pour leur durabilité réelle.

Comparatif avec d’autres sources d’énergie

Ramené au kilowattheure produit, le photovoltaïque présente un excellent score carbone. Selon l’ADEME, une centrale solaire au sol française émet en moyenne 55 gCO₂/kWh sur l’ensemble de sa durée de vie. À comparer avec :

  • Le gaz : 490 gCO₂/kWh
  • Le charbon : 820 gCO₂/kWh
  • L’éolien terrestre : 12 gCO₂/kWh
  • L’hydraulique : 24 gCO₂/kWh
  • Le nucléaire : 6 gCO₂/kWh (valeurs discutées, variant selon les méthodologies)

Autrement dit, même en tenant compte de l’énergie grise de leur fabrication, les panneaux solaires ont un impact climatique bien inférieur aux énergies fossiles. Seules certaines sources renouvelables, comme l’éolien terrestre ou l’hydroélectricité, font mieux.

Mais attention aux raccourcis : intégrer massivement le solaire impose aussi de revoir la gestion de notre réseau électrique, notamment pour pallier l’intermittence.

Externalités : l’ombre du progrès

Derrière chaque panneau solaire se cache aussi un modèle économique et géopolitique. L’extraction de certains matériaux rares (comme l’argent ou l’indium) repose parfois sur des pratiques peu éthiques ou polluantes, en Chine, au Pérou ou en République démocratique du Congo. La question du « coût caché » environnemental ou social n’est pas anodine, même si le solaire évolue rapidement vers des technologies moins dépendantes de ces matériaux critiques.

Un autre point d’attention : les grandes centrales au sol. Si elles permettent de produire en masse, elles peuvent empiéter sur les terres agricoles ou naturelles. L’agrivoltaïsme (production agroalimentaire sous panneaux) offre des pistes de conciliation intéressantes, mais soulève lui aussi des débats.

Alors, le solaire est-il vraiment vert ?

Oui… mais pas sans nuances. Le panneau photovoltaïque est clairement une alternative plus propre que les combustibles fossiles. Il offre un bon rendement environnemental à condition d’être produit dans un cadre propre (mix électrique bas carbone, logistique locale, modules durables) et bien intégré dans son environnement.

Il ne remplacera pas, à lui seul, le gaz ou le charbon. Mais il peut devenir un pilier d’une transition énergétique cohérente, à condition d’être porté par une vision globale, consciente des impacts à toutes les étapes de son cycle de vie.

Plutôt que de fuir l’imperfection, mieux vaut transparenter ces impacts et chercher à les réduire activement. Car oui, même les solutions vertes ont besoin d’un bon nettoyage… carbone.