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Facteur d’émission : comment estimer les rejets de GES d’une activité

Facteur d'émission : comment estimer les rejets de GES d'une activité

Facteur d'émission : comment estimer les rejets de GES d'une activité

Comprendre le facteur d’émission : une boussole pour évaluer les rejets de GES

Comment savoir combien de CO₂ ou de méthane est émis lorsqu’on chauffe une maison, qu’on mange un steak ou qu’on envoie un colis en livraison express ? La réponse tient souvent en un chiffre clé : le facteur d’émission. C’est l’unité de base pour estimer les rejets de gaz à effet de serre (GES) d’une activité.

Mais que se cache-t-il vraiment derrière cette notion un peu abstraite ? Comment les scientifiques la calculent-ils ? Et surtout : peut-on lui faire confiance pour orienter des décisions industrielles, politiques… et même personnelles ?

Qu’est-ce qu’un facteur d’émission ?

Le facteur d’émission correspond à la quantité moyenne de gaz à effet de serre émise dans l’atmosphère pour une unité d’activité. Il peut s’agir, par exemple :

Le plus souvent, on parle d’équivalent CO₂, soit une façon de regrouper différents GES (comme le CH₄ et le N₂O) en un unique chiffre basé sur leur potentiel de réchauffement global. Pour ceux qui veulent creuser, ce fameux PRG – potentiel de réchauffement global – est indexé sur une période de 100 ans et calibré par le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Pourquoi ces chiffres sont-ils cruciaux ?

Les facteurs d’émission sont l’outil de base pour réaliser un bilan carbone. Que ce soit pour une entreprise, une région ou un individu, ils permettent de transformer une activité concrète (prendre l’avion, manger un burger…) en un équivalent chiffré d’émissions de GES.

Sans eux, difficile d’estimer l’impact environnemental d’une politique publique, de prioriser les secteurs les plus émetteurs, ou encore de quantifier les réductions d’émissions promises dans les accords climatiques.

Comment sont-ils calculés ?

Les facteurs d’émission ne tombent pas du ciel. Ils résultent de travaux rigoureux menés par des laboratoires, des agences environnementales, et sont souvent mutualisés dans des bases de données scientifiques.

En France, l’un des référentiels les plus utilisés est la Base Carbone de l’ADEME (Agence de la transition écologique). Cette base contient plusieurs milliers de valeurs, constamment mises à jour, couvrant tous les secteurs : transports, agriculture, bâtiment, numérique…

Le calcul peut être effectué de deux façons :

Il arrive que les deux approches soient combinées, ce qui rend les facteurs d’émission relativement robustes… à condition de bien comprendre leur contexte d’application.

À chaque pays, son facteur d’émission ?

Bonne question. Car non, les facteurs d’émission ne sont pas universels.

Par exemple, produire 1 kWh d’électricité n’émet pas la même quantité de CO₂ selon que l’on soit en France (mix dominé par le nucléaire) ou en Pologne (charbon prédominant). En pratique :

Moralité : un même geste peut avoir une empreinte carbone très différente selon le contexte géographique.

Des exemples concrets pour mieux s’y retrouver

Selon la dernière version de la Base Carbone de l’ADEME (2023), voici quelques ordres de grandeur :

Ces exemples sont souvent utilisés dans des outils de sensibilisation, ou dans des simulateurs grand public comme nosgestesclimat.fr, qui permettent à chacun d’estimer son impact carbone annuel.

Les limites de l’outil

On aurait tort de considérer les facteurs d’émission comme des valeurs absolument exactes. En réalité, ils reposent sur des moyennes, des hypothèses, et ne captent pas toujours les spécificités locales ou individuelles.

Comme le rappelle Marie Delsalle, ingénieure en ACV (Analyse du cycle de vie) que nous avons interrogée :

« Prenons l’exemple d’un litre d’essence : on pourrait croire que le facteur est fixe. Mais tout dépend de la raffinerie, de la durée de stockage, de la chaîne d’approvisionnement. Il y a souvent une marge d’erreur de ±10 à 20 %. »

Autre difficulté : certains impacts environnementaux majeurs ne sont pas capturés par les facteurs d’émission GES. Par exemple : la pollution de l’eau, la biodiversité détruite, la toxicité des particules émises…

Un produit peut avoir une faible empreinte carbone et un fort impact écologique par ailleurs. C’est tout l’enjeu de développer des approches multicritères plus complètes que le seul indicateur CO₂e.

Facteurs d’émission et transition écologique : un tandem inséparable

Malgré leurs limites, les facteurs d’émission restent un repère indispensable dans la mise en œuvre des politiques climatiques.

Ils permettent :

Plus récemment, l’arrivée de la comptabilité carbone dans les entreprises – devenue obligatoire pour certaines tailles – s’appuie précisément sur ces facteurs. Et les experts notent aussi un intérêt croissant chez les jeunes diplômés en sciences de gestion ou d’ingénierie, qui se forment à ces outils pour intégrer des critères environnementaux dans toute décision stratégique.

Le facteur d’émission est-il manipulable ?

C’est une question qu’on ne peut pas éluder. Car certains acteurs – notamment dans les secteurs fortement émetteurs – ont parfois intérêt à faire « baisser » leurs émissions sur le papier.

Or, cela peut passer par le choix opportuniste de certains facteurs d’émission plus favorables. Un exemple : privilégier un facteur global pondéré pour une moyenne européenne, plutôt qu’un facteur réel national bien plus élevé.

D’où l’importance de la transparence des hypothèses, et de la standardisation des facteurs utilisés selon les contextes. L’ADEME, l’ISO (norme 14064) ou encore l’initiative Science Based Targets fixent désormais des recommandations claires sur les méthodes de comptabilité carbone rigoureuses.

Et demain ? Vers des facteurs d’émission dynamiques ?

Avec la numérisation et l’ouverture des données, plusieurs chercheurs travaillent sur la possibilité d’avoir des facteurs d’émission dynamiques, évoluant en temps réel.

L’idée ? Par exemple, relier un appareil connecté à l’état du réseau électrique (certains le font déjà !), et consommer quand le mix énergétique est le plus vert. Une façon de dépasser les moyennes annuelles, parfois creuses, pour adopter une logique d’optimisation horaire de l’empreinte carbone.

Pareillement, dans les transports, plusieurs start-ups travaillent sur des simulateurs d’itinéraire qui indiquent non pas seulement l’heure d’arrivée… mais aussi l’empreinte carbone estimée selon les conditions de circulation, le type de véhicule ou le style de conduite.

Preuve que les facteurs d’émission ne sont pas figés : ils évoluent avec la technologie, les usages et les connaissances scientifiques. C’est à nous de les utiliser intelligemment pour orienter une transition écologique ambitieuse et crédible.

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